Le martinet qu’une dame a réchauffé pendant deux jours sous son peignoir de bain s’appelle Loki. Au refuge pour animaux de L…burg, elle s’était vu remettre avec autorité ce martinet dans les mains, pour la simple et bonne raison qu’elle nourrit les oiseaux et que les animaleries étaient pleines ( !).À nos yeux, cela ne constitue pas des raisons valables pour confier à une personne non-spécialiste la responsabilité d’un animal sauvage protégé, difficile à entretenir et peut-être blessé! Par chance, cette dame a pris contact avec nous et n’a pas hésité à effectuer un long trajet pour apporter l’oiseau. Si Loki n’est plus lové dans un peignoir de bain, il bénéficie désormais de soins adaptés, d’une prise en charge médicale….et de congénères. Rassurée pour son protégé, la dame a été prise d’une colère justifiée contre le refuge et leur a donné une leçon sur les martinets.
Mais revenons en arrière. Nous sommes restés longtemps silencieux, mais pas inactifs pour autant. Nous sommes passés sans transition de la saison 2024 à la saison 2025, et plus vite que nous le souhaitions. En avril, nous avons dû annuler notre dernier transfert vers le sud en raison du mauvais temps; le nombre de pensionnaires n’est donc pas descendu en-dessous de soixante-dix. Les rénovations de plumages et les entures ont continué, tandis que les préparatifs pour la saison des jeunes allaient bon train. Nettoyage, rangement, réparations diverses et variées, commandes, organisation, recherche de nouveaux bénévoles et salariés, publication d’annonces, entretiens d’embauche, élaboration des plannings…
Il a fallu faire de la place dans les congélateurs afin de stocker la nourriture pour la saison et d’y placer les martinets donateurs de plumes. Nos congélateurs en abritaient déjà un grand nombre, qui attendaient d’être incinérés. Nous avons toujours été empêchés de le faire pour telle ou telle raison. Et nous avons décidé de reprendre contact avec l’entreprise d’incinération pour animaux appelée ROSENGARTEN (Le jardin de roses/ La roseraie). Il y a quelques années, nous avions eu une cérémonie d’adieu empreinte de dignité et de sensibilité pour sept martinets que nous chérissions particulièrement.
« Cette fois », déclarai-je à l’entreprise, « nous souhaiterions venir avec plus de martinets ». On acquiesça chaleureusement à ma demande. « Et il y en aurait combien de plus ? » Je fis une rapide estimation dans ma tête et dis: « Environ deux cents - deux cent cinquante ». Il faut le dire: l’entreprise ROSENGARTEN s’est montrée à la hauteur. Après une seconde de frayeur, le défi a été accepté et relevé avec professionnalisme et gentillesse. Et ce, même lorsqu’après une nuit blanche passée à charger les oiseaux congelés dans des caisses et des bacs, j’ai rédigé un message à une heure indue pour annoncer qu’ils seraient finalement entre trois cents et trois cent cinquante!
Le 23 avril, une petite délégation partit donc de la clinique avec la voiture chargée à bloc en direction de Hermeskeil, où se trouve le crématorium pour animaux de ROSENGARTEN. Les employés avaient prévu pour nous une large plage horaire et du personnel supplémentaire avait même été embauché. Nos protégés furent pris en charge avec une grande délicatesse. Pour nous, ce fut difficile - nous connaissions chacun d’entre eux, la plupart étaient restés en soin longtemps et nous les aimions beaucoup. Ils eurent droit à un adieu digne de ce nom. Aussi sommes-nous reconnaissants à cette entreprise pour le sens du recueillement et le tact dont le personnel a su faire preuve tout au long de la cérémonie.
Le 30 avril, leurs cendres ont été conduites à leur dernière demeure, sur le terrain de mes parents, près du lac de Ratzebourg, dans le Schleswig-Holstein (Allemagne du Nord). Elles reposent désormais entre deux gros massifs de noisetiers pourpres et seront bientôt entourées d’une marée d’églantines.