Hier, nous avons fait les préparatifs pour l’autre saison martinets – non pas à la clinique, mais dans notre propre colonie! Je m’explique: cette colonie se trouve dans l’immeuble que j’habite et comprend vingt-trois nichoirs pour martinets, ainsi que deux nids pour les moineaux domestiques, trois pour les mésanges et deux hôtels à insectes. Cependant, mes moineaux ne voient pas les choses ainsi: pour eux, ce sont 23 + 2 nichoirs qui leur reviennent et 0 pour les monstres noirs et piaillants. Quant aux mésanges, elles considèrent mes hôtels à insectes comme des buffets à volonté. Je les aime tous, mais il faut y mettre bon ordre. Il ne sera pas dit qu’il y aura des morts chez moi. Et là-dessus, je serai intraitable.
Les mesures que je mets en œuvre conduisent inévitablement à des bagarres, au cours desquelles je ruine ma réputation. La mise en place de grillage autour des hôtels à insectes pour assurer les allers-venues de Maya l’abeille & Co est une chose. Le nettoyage et la fermeture de mes nichoirs pour martinets après l’hiver en est une autre, et j’effectue ces manipulations sous les huées des moineaux qui y avaient élu domicile. Je ne rouvrirai ces nichoirs que fin avril, lors du retour des martinets. C’est que les moineaux entassent toutes sortes de matériaux dans les nids ou nichoirs, les transformant ainsi en pièges mortels pour les martinets, qui s’empêtrent dedans et peuvent s’étrangler ou se retrouver suspendus dans les airs. J’ai vu trop souvent de tels accidents, et dans ma propre colonie, le drame a été frôlé à plusieurs reprises. Chaque année, nous accueillons de nombreux martinets victimes de strangulations ou de garrots à cause de fils et ficelles présents dans les nids. En raison du manque cruel de sites de nidification, la concurrence est rude entre les martinets, les moineaux et les étourneaux, et les combats pour les nids restants entraînent de lourdes pertes.
Or les martinets (mais pas qu’eux) ont besoin d’endroits où nicher! Pour qu’il y ait des oiseaux, il faut d’abord qu’il y ait des sites de nidification. Les travaux de rénovation et d’isolation des toits sont les destructeurs n°1 de ces sites. Rarissimes sont les cas où les oiseaux nichant dans les bâtiments sont préservés lorsqu’il y a des travaux de toiture. En règle générale, on oublie totalement que ces animaux sont protégés aux termes de la loi fédérale de la protection de la nature. L’élimination illégale de sites de nidification - que ce soit avant, pendant ou après la saison de reproduction - est punie d’amendes à cinq chiffres. Si des travaux se révèlent absolument nécessaires, ils doivent être effectués en dehors de la période de reproduction. Et pour chaque nid ou site qui serait détruit lors de ces travaux, une solution de remplacement adéquate doit être mise en œuvre. Lorsque des travaux sont prévus, il est vivement conseillé de procéder à un inventaire des espèces qui pourraient être concernées, et de faire établir un rapport d’évaluation des incidences sur les espèces protégées. Une suspension des travaux coûte toujours plus cher qu’une expertise!
Malgré tout, d’innombrables sites de nidification de martinets disparaissent chaque année, ainsi que les colonies qui y étaient attachées. Nombreux sont les amis des oiseaux qui souhaitent remédier à ce triste état de fait en installant des nichoirs. Cela paraît simple, mais ça ne l’est pas. Avant de se lancer, il est indispensable de prendre en considération les points suivants, afin que le remède ne soit pas pire que le mal.
1) Les locataires doivent obtenir l’autorisation du propriétaire. En l’absence d’attestation d’autorisation écrite, aucun nichoir ne pourra être installé. En effet, si des questions de responsabilité et de droit de propriété entrent en conflit avec la loi de protection de la nature, d’importants problèmes surviendront. Il faut savoir qu’une fois que les nichoirs sont occupés, ils tombent sous le coup de la loi sur les espèces protégées et ne peuvent plus être retirés.
2) Est-ce que des martinets nichent déjà sur la maison ? Y’en-a-t-il dans les environs ? En effet, il n’est guère sensé de mettre en place des nichoirs si vous ne voyez aucun martinet dans le secteur.
3) La hauteur minimum pour l’installation de nichoirs pour martinets se situe au-dessus d’un premier étage : ces oiseaux ont besoin de suffisamment d’espace et de hauteur lorsqu’ils entrent et sortent du nichoir. Aucun obstacle (végétal ou autre) ne doit gêner leurs allers-venues. Si nécessaire, il convient de tailler régulièrement la végétation se trouvant sur leur trajectoire de vol. Installer les nichoirs trop haut ne convient pas non plus, car ils doivent rester accessibles pour être entretenus et surveillés. Contrairement à ce que l’on peut entendre ici et là, ils ne doivent en aucun cas être laissés sans surveillance. Le premier geste à effectuer est de les maintenir fermés jusqu’à l’arrivée des premiers martinets. Cette précaution évite l’installation de moineaux, qui rendrait dangereuse, voire impossible celle, ultérieure, des martinets (voir 2ème paragraphe). Pour en interdire l’accès, il suffit de boucher le trou d’envol.
4) L’exposition du nichoir ne doit pas être négligée. Ainsi, le sud et l’ouest sont à proscrire en raison de la chaleur, qui pourrait transformer un abri providentiel en véritable fournaise. L’idéal, c’est de le placer au nord. L’est peut également convenir.
5) Un nichoir pour martinets doit toujours être installé sous l’avancée du toit, jamais en plein milieu de la façade, car les corvidés et les faucons pourraient alors se percher dessus et attaquer les martinets au moment de leur entrée dans le nichoir. Le danger persiste lorsque l’avancée du toit ne couvre pas assez le nichoir. Dans ce cas et si c’est possible, il convient de placer le nichoir tout près d’un tuyau de descente - ces endroits-là sont souvent fréquentés par les martinets en quête de nids.
6) La plupart des nichoirs pour martinets vendus dans le commerce sont beaucoup trop petits. Un nichoir occupé par 5 martinets noirs (2 adultes et 3 petits), sachant que l’envergure de ces oiseaux est de 40 cm environ, devra présenter les dimensions intérieures minimum de 40 cm de largeur, 30 cm de profondeur et 20 cm de hauteur. Idéalement, le nichoir devra être isolé contre la chaleur. Les étés devenant de plus en plus chauds, on renoncera aux nichoirs trop exigus, dans lesquels les fragiles oisillons risqueraient littéralement de cuire. Les plus vaillants tenteraient d’échapper à la fournaise en se jetant dans le vide. Pour trouver des nichoirs adéquats, vous pouvez cliquer sur le lien suivant:
shop.vaw.de/de/shop/nisthohle-fur-mauersegler-p771
Le centre pénitentiaire de Heimsheim propose en effet dans sa boutique en ligne un très bon modèle de nichoir pour martinets avec un dispositif anti-étourneaux intégré. Baptisé « Villa Apus », ce nichoir est spacieux, conçu pour durer et isolé contre la chaleur. Nous ne pouvons que le recommander.
7) Le trou d’envol doit toujours être tourné vers l’avant, jamais vers le bas. Pourquoi ? Afin que les déjections bien moulées des rejetons en pleine croissance soient projetées directement sur le sol et non contre le mur.
Ouf! Ceux qui se sont frayé un chemin à travers le maquis des lois, règlements et prescriptions, ceux qui ont hissé le nichoir en jurant tout ce qu’ils savaient jusqu’à la hauteur voulue, ceux qui, munis d’une visseuse électrique et autres outils, ont fixé, en suant sang et eau, ces jolis logis parasismiques, avant de redescendre de l’échelle les jambes flageolantes, ceux-là peuvent contempler d’un œil satisfait ces maisons à martinets qui, bientôt, résonneront de cris joyeux et dont les abords seront le théâtre de ballets aériens donnés par nos amis africains de retour dans nos contrées.
Que la saison commence!